EDITORIAL TRIMESTRIEL de Jean Pellegrino [Actualité économique et du crédit du 1er avril au 31 juin 2006] - ARC®

Il court il court le crédit...

Les Français sont endettés, qu'on se le dise ! Avec un encours égal à 56,60% de leurs revenus disponibles (+13 points en 5 ans), la masse de crédit concerne pour 30% des crédits à la consommation et revolving, pour 25% des découverts. La moitié des Français est endettée. Parmi eux, surtout des moins de 30 ans qui se partagent entre découverts et achats immobiliers. Cette classe d'âge semble d'ailleurs le reflet de la population qui ne s'est pas endettée seulement pour consommer : l'immobilier est en effet le poste largement à l'origine de ce record, alors que la France est pourtant l'un des pays industrialisés où la marge de progression de ce secteur est la plus importante. Pour corroborer cette analyse toute en nuances, il convient donc de souligner le niveau exceptionnellement élevé des actifs détenus par les Français. La presse s'en fait l'écho ce trimestre, comme pour opposer un éclairage positif à cet endettement qui pourrait être compris comme une aggravation de la situation des ménages…. Il semblerait même que la situation n'ait de cesse de s'assainir, les Français ayant souscrit davantage de crédits de restructuration (pour relativement moins de revolving) en même temps qu'ils présentaient de moins en moins de dossiers de surendettement. Notons que cette "responsable attitude" n'a d'ailleurs pas échappée à Cetelem -ni à la banque Accord ou encore à Laser Cofinoga- qui donnent chaque jour davantage dans le discours responsabilisant ("J'équilibre mon budget, j'équilibre ma vie") sur fond de relance de la vieille revendication d'un "Fichier positif". Moins de risque pour les banques, plus de responsabilité chez l'emprunteur et un fichier pour traquer les récalcitrants… le métier de prêteur deviendrait-il le moins risqué du monde ?

L'appétit de la Banque Postale

La banque Postale a faim ! Malgré quelques lourdeurs occasionnées par une clientèle pléthorique et par la contribution à laquelle elle reste contrainte vis-à-vis de l'Etat au titre des retraites de ses agents, l'appétit de la Banque Postale est en effet aiguisé par le développement général du crédit et constaté, plus qu'ailleurs, au sein de ses propres agences. La branche crédit se trouve en premier lieu portée par les résultats impressionnants enregistrés en agences sur l'immobilier (+20,10% au cours des 4 premiers mois de 2006). Dans un second temps, l'optimisme du nouveau venu dans le paysage bancaire français s'appuie sur un fonds de clientèle exceptionnel sans cesse renforcé (37% d'ouverture de comptes supplémentaires sur le premier semestre) pour entrevoir de belles perspectives sur le crédit personnel et le microcrédit. La nouvelle entité bancaire française se prend donc à rêver à un développement de son activité crédit, notamment immobilier sans épargne préalable, développement interne qu'elle envisage en outre de doper au moyen d'opérations de croissance externe (comme d'autres, la Banque Postale lorgne du côté du CIF, éternel fiancé de la filière bancaire française). La Banque Postale aurait-elle raison de fonder son implantation définitive sur sa grande popularité au sein des ménages français et de miser sur des promesses d'élargissement de l'accès au crédit ? L'avenir le dira et espérons, pour la Banque Postale, qu'un resserrement des marchés (notamment de l'immobilier et des taux) ne vienne pas contrarier ses plans.

La "Banque de l'Ecureuil Populaire", nouveau poids-lourd français

Avec la naissance de Natixis, c'est à l'avènement du 2e groupe français en banque de détail (derrière le Crédit Agricole) auquel nous venons d'assister. Loin devant le Crédit Mutuel et la Société Générale, qui se trouvent à présent distancés, le nouveau groupe a profondément modifié le paysage bancaire hexagonal. En se libérant de la tutelle de l'Etat et de son bras armé, la CDC, il semblerait que l'Ecureuil n'ait pas fait que céder à une volonté ancienne d'émancipation de ses dirigeants. Il aurait profondément ouvert son activité à son marché populaire de destination. L'Ecureuil aurait, par la même occasion, produit quelques "dommages collatéraux" et annoncé un remaniement du marché bancaire français. Ses "outsiders" (parmi lesquels, tout de même, la Société Générale et la BNP) sont aujourd'hui les cibles potentielles pour des appétits étrangers et particulièrement européens, à moins que ne ressorte le vieux serpent de mer du rapprochement qui parviendrait à s'imposer sous la contrainte de la nouvelle donne. En interne, notons l'extrême motivation que le rapprochement produit au sein de la filiale de crédit immobilier de la Caisse d'Epargne, le Crédit Foncier, lequel a vu son Produit Net Bancaire (PNB) percer les plafonds à 8,50% de croissance pour un renforcement de 23% de son résultat… Comme quoi, rien de vaut un peu de pression pour bien faire.

Réforme de l'hypothèque : entre dope et flop ?

L'accueil reçu par la réforme de l'hypothèque, pour faire place au crédit hypothécaire rechargeable et au crédit viager hypothécaire, ressort pour l'heure comme assez mitigé : d'un côté, des associations de consommateurs, méfiantes, de l'autre des banques, en apparence assez volontaires. En réalité, au moins dans un premier temps, personne ne s'attend à un accroissement de la production de crédits tant les banques se méfient des procédures liées à la protection des ménages : elles devraient donc encore quelques temps asseoir leurs décisions d'engagement sur les critères habituels de remboursement et exploiter ces nouveaux produits pour atteindre certaines niches jusqu'ici délaissées en matière de crédit (emprunteurs aux revenus volatils, ménages âgés…). Cependant, à plus long terme, les commentateurs envisageraient bien un grand et beau succès populaire d'autant que les frais notariés liés à ce type d'opérations ont été revus à la baisse et que le crédit à la consommation en France présente une belle marge de progression. L'emploi du conditionnel est cependant de mise, en raison d'un certain nombre de particularités constitutives de la réforme : Impossibilité tout d'abord de mettre en place ce type d'opération sur un bien ancien, dont l'acquisition aura été garantie par un PPD (Privilège de Prêteur de Denier) ou par un organisme de caution, comme c'est à 80% le cas… Impossibilité ensuite de réévaluer le bien garanti une fois qu'une première opération aura été mise en place et pas encore soldée… Riposte enfin du crédit logement (dont les banques sont actionnaires) qui proposera bientôt une caution rechargeable… Il faudra donc bien du courage aux tenants de cette réforme pour arriver à l'imposer sur un marché du crédit certes promis à un avenir radieux, mais qui semble encore hésiter sur les chemins à … emprunter.

Actualité en France

Sur le front de l'immobilier français (comme européen d'ailleurs, voir in Actualité en Europe et dans le Monde), l'inquiétude ne cesse de progresser, même si les voix se font nettement moins entendre en raison d'une bonne tenue, pour l'heure, du marché. Cette fois, l'argument avancé pour dénoncer le risque de surchauffe, allègue les conséquences de la financiarisation du marché de l'immobilier qui aurait développé artificiellement la demande en la maintenant au dessus de l'offre. Le risque de surpayer un actif serait donc de plus en plus porté par les préteurs qui se livrent en outre à une concurrence acharnée sur le terrain des taux (donc de la rémunération du risque). Une probable hausse des taux aurait ainsi pour effet de ralentir le marché et de décevoir les attentes d'investisseurs pour l'instant encore portés par des espoirs de rendements devenus illusoires.

Alors qu'il est de plus en plus question du succès rencontré par ce qui serait un "modèle de banque à la française", il semblerait que ce premier semestre ait vu les établissements français se recentrer sur des objectifs de développement autour des réseaux de vente, sans grande annonce de nouvelles consolidations. La Société Générale, tout d'abord, prête àintégrer les 53 agences héritées du rachat de CaixaBank France dans ses réseaux propres, mais aussi dans ceux du Crédit du Nord et dans l'inauguration de celui de Boursorama, le courtier en ligne bientôt présent sur le territoire. Le Crédit Agricole, ensuite, qui annonce des intentions marquées vers la clientèle de professionnels, il est vrai parfois délaissée au profit des salariés. Précisons que la Banque Verte se donne par ailleurs les moyens de conquérir 400.000 nouveaux clients d'ici 2008 en prévoyant l'ouverture de nouvelles agences en ville, le développement de son offre de crédit ainsi qu'une communication plus originale davantage axée sur les jeunes actifs. Signalons enfin deux initiatives originales d'AGF banque et de la BNP : la première, après AXA banque, commercialise à présent un compte rémunéré associé à divers avantages, tous fonction de la fidélité du client ; la seconde introduit la "carte bancaire de crédit", laquelle offre des facilités de paiement en 3 fois ou en différé de 3 mois. Les deux initiatives visent clairement la récupération et/ou la consolidation du compte principal et sont indéniablement le signe d'une volonté plus générale d'augmenter le taux d'équipement du client aux fins de le fidéliser. C'est donc, pour revenir sur le fameux "modèle de banque universelle à la française" (axé sur la coexistence de réseaux de banques de détail avec des services financiers spécialisés ou de gestion d'actifs et de banques d'investissement) en renforçant l'offre de détail que nombre d'intervenants du secteur pensent aujourd'hui leur développement… La stratégie de Laser visant, après une excellente année 2005, un développement au travers d'un produit de carte de crédit et de son réseau d'intermédiaires, n'est pas fondamentalement différente : équiper le client en se rapprochant d'un réseau de distribution. Dans ce concert, notons la dissonance de Cetelem, qui s'apprête à réduire le nombre de ses agences au profit du développement de 5 centres d'appel et de relation client en province. L'image de Cetelem étant aujourd'hui, selon la direction, suffisamment implantée, le relais des agences ne semble plus adapté, d'autant que le téléphone et l'Internet promettent davantage de résultats… voire.

Actualité en Europe et dans le Monde

En matière de finance française, une autre tendance est à noter (depuis longtemps déjà, mais qui semble avoir pris un tournant au cours de ce premier semestre) : le développement des grands établissements hexagonaux au travers de réseaux d'agences à l'étranger. Ainsi, Cetelem, pourtant citée pour sa stratégie de "dématérialisation" de ses agences en France, fait flotter bien haut, ailleurs dans le Monde en développement, l'étendard de BNP Paribas (prises de participation, ou partenariat avec de grands établissements, en Algérie, Chine, Ukraine, Russie, Turquie). Une autre tendance serait-elle cependant en train de se dessiner ? Le départ de la China Construction Bank (CCB) à l'assaut de 10 à 20% du capital de Bear Stearns, établissement Etats-unien, pour 4 Mds de Dollars, pourrait bien représenter l'une des prémisses de ce mouvement inverse de conquête des banques des pays développés par les établissements des pays en développement. Pour l'heure, les conditions ne semblent toutefois pas totalement réunies, tant la transparence demandée par les autorités américaines au "partner" déclaré ne semble pas près d'être atteinte et demandera encore quelques efforts. L'exemple de la Russie, autre acteur à venir du marché international, est à souligner par l'effort que les autorités elles-mêmes imposent aux banques en vue de la concentration du capital des quelques 650 établissements du pays (un minimum de 5 millions d'Euros sera nécessaire à toute création de banque, premier pas vers de nouvelles contraintes en vue de protéger la filière contre les prédateurs extérieurs, comme de favoriser la transparence).

Du côté de l'Europe et de sa construction, il semblerait qu'il faille plus que jamais entendre deux discours : celui des Commissions (notamment de celle au Marché intérieur et aux services), qui recherchent une harmonisation tous azimuts (des moyens de paiement, des réglementations de protection du consommateur, du crédit à la consommation) et celui des banques qui cherchent à se rapprocher comme bon leur semble… Les intentions ne semblent pas incompatibles, bien que peut-être un peu trop exposées aux calculs politiciens. Remarquons, pour clore le sujet européen, l'annonce d'une prochaine délocalisation d'une partie de la filière européenne. 900 emplois sont prévus en Inde, Chine et Pologne pour des postes liés aux technologies de l'information à la relation client. Moins concernée, la France n'est cependant pas totalement exclue du mouvement.

Au titre de l'international, l'actualité fut riche d'événements isolés, difficilement corrélables (en dehors de ceux dont nous avons parlé). Seuls deux phénomènes ont pu attirer notre attention : d'une part l'annonce d'un développement exponentiel des crédits immobiliers en Espagne (+ 25% par an), d'autre part l'annonce de la reprise des crédits aux entreprises au Japon. Dans un même contexte de hausse des taux annoncée, le premier phénomène inquiète la Banque Centrale ibérique, le second réjouit les observateurs du pays du soleil levant. Le jeu de la semaine consistera à trouver ce qui peut bien relier ces deux annonces…

Taux / Devises

Un risque d'inflation plane sur l'Europe ? C'est bien le sentiment du grand argentier Jean-Claude Trichet qui justifie ainsi les remontées programmées et entamées des taux directeurs (2,50% début mars contre 2% fin 2005. 2,75% envisagés à la fin du mois de mars pour la fin de l'année, alors que les marchés anticipent un taux encore supérieur). Le développement de la consommation des ménages et de la croissance seraient à l'origine des quelque 2,20% d'inflation prévus pour 2006, comme l'explosion des prix de l'immobilier. Bien entendu, le gouverneur de la BCE souligne combien ces niveaux restent bas (même les plus bas depuis la fin de la seconde guerre mondiale), les taux US à 10 ans (5%) pouvant servir d'élément de comparaison… C'est que l'on assiste peut-être précisément (et en dépit d'une analyse optimiste du gouvernement américain) aux prémisses du renversement d'une suprématie, celle du dollar et de la zone dollar : une diminution sensible des investissements internationaux en zone dollar traduit une défiance vis-à-vis du billet vert et entraîne une véritable politique de diversification des réserves de change, en faveur de l'Euro, de la part des grandes banques centrales. Cette désaffection oblige ainsi la Réserve Fédérale à maintenir des taux élevés pour soutenir sa monnaie. De ce point de vue, le relèvement des taux en Europe se justifierait autant par des causes inflationnistes que par une tendance lourde en faveur des devises concurrentes du dollar et en particulier de l'Euro. Les politiques de tous bords et le FMI commencent à s'inquiéter du risque que fait courir ce rallye à la reprise économique en cours dans presque tous les pays d'Europe…


Achevé de rédiger le 31 juillet 2006


Jean Pellegrino - Rédacteur d'articles, de revues de presse et d'éditoriaux. Son ambition est de faire partager un point de vue synthétique et original sur l'actualité économique en général et du crédit ou du rachat de crédits en particulier, tout en insistant sur les enjeux liés à cette activité.


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