EDITORIAL TRIMESTRIEL de Jean Pellegrino [Actualité économique et du crédit du 1er octobre au 31 décembre 2006] - ARC®

Paradoxal marché l'immobilier : 2007, l'année de la stagnation ?

S'il est un sujet largement évoqué et dans l’air du temps, c'est bien celui de l'immobilier ! En constante augmentation depuis 1997 (+ 120% sur la période), les sommets atteints n'ont eu de cesse d'alarmer les commentateurs et analystes de tout poil : "retournement", "Krach", puis "atterrissage en douceur", à présent "stagnation"… Rien ne nous aura été épargné en matière d'explication d'une situation en tous points surprenante. La fin 2006 aura connu, il est vrai, une tendance haussière des taux courts, à l'origine d'une inquiétude perceptible : comment les ménages ayant emprunté à taux variable vont-ils supporter les quelques points de progression qui se répercuteront sur leurs échéances de remboursement ?

Quelques cas apparaissent très préoccupants. L'Espagne présente ainsi un marché qui s'apparente à celui d'une bulle immobilière : 45 à 55% du revenu (brut !) des ménages consacré au remboursement de crédits à taux variables, souscrits sur des durées ultra longues, une envolée des prix sans comparaison dans l'histoire et avec ça, 80% des Espagnols propriétaires de leur logement. Autant dire qu'une envolée des taux produirait un effet dévastateur dans la péninsule… Que dire des ménages anglais surendettés en variable ? Plus préoccupant encore, le coup de froid sur ce même marché immobilier chez nos "amis américains", quand on connaît l'impact de ce marché sur l'économie du pays tout entier (et de l'économie de ce pays sur celle du monde). Mais les analystes ont choisi de nous rassurer !

Ainsi, la plupart des réflexions parues ces derniers mois, évoquent toutes plus ou moins un "paradoxe" fondé sur, d'un côté, le constat d'un réel ralentissement, accompagné d'une baisse sensible des prix et, d'autre part, sur des éléments plus ou moins objectifs laissant supposer un marché soutenu. Ce soutien ne repose d'ailleurs pas que sur l'espoir d'une stagnation des taux autour de leurs niveaux actuels. Il s'appuie tout autant sur plusieurs autres constats :

  1. même si les prix continuent de baisser (ce qui est admis, après 10 années de hausse), le nombre de transactions n'a encore subi qu'une baisse très raisonnable.

  2. en l'absence de supports financiers de substitution (qui ont, eux aussi, fortement progressé au cours de ces dernières années), vers quels investissements reporter les plus-values latentes sur l'immobilier ?

  3. l'offre ne parvient pas encore à satisfaire la demande et, quand bien même constate-t-on une plus grande difficulté à écouler un programme neuf, la demande ne s'essouffle que sur certaines catégories (les primo-accédants) et uniquement pour des raisons de resserrement du financement (voir effet contraire en Espagne).

Si l'on ajoute à cela un marché du résidentiel neuf en augmentation, un paradoxe supplémentaire saute aux yeux du moindre observateur attentif : comment l'horizon de ce marché de l'immobilier pourrait-il bien s'obscurcir (on nous assure une chute de 25% des prix à l'horizon 2010) alors que le plus bel "avis de beau temps" nous est annoncé ? A cela, des réponses classiques sont le plus souvent avancées (remontée des taux courts au-delà de 5%, effondrement du marché US, etc), à moins que l'investisseur, comme souvent sur des marchés plus volatils comme celui des capitaux, ne soit contaminé par son mal récurrent : la peur panique, qui n'est pas le moindre… de ses paradoxes.

Distribution de produits bancaires à l'heure du multicanal : la révolution en marche

Ah l'Internet ! Sujet aux 1000 rebondissements, il ne cessera donc jamais de hanter les esprits de notre bonne vieille banque ?! Voilà à présent que les Français se mettent à rechercher des informations sur le réseau, à comparer les services, les offres et à attendre qu'on s'occupe de leurs besoins !... Une récente étude Novamétrie sur les comportements d’achat de produits et de services financiers sur Internet a fait grand bruit en cette fin d'année. Elle révèle entre autres, que les Français, à la suite de leurs voisins anglais et d'Europe du Nord, sont de plus en plus friands du net pour rechercher les offres les plus avantageuses. Rien d'étonnant en cela, puisqu'ils sont désormais une majorité à se connecter plus ou moins régulièrement au réseau. S'informer, oui,souscrire… pas encore, poursuit cependant cette étude. Mais cette nuance cache-t-elle une autre réalité ?

Il semblerait en effet que le frein ne soit pas tout à fait là où on le croit (du côté client), mais plutôt du côté des établissements qui tardent à afficher une offre de web-services suffisamment abondante sur leurs sites. Traditionnellement investis sur leurs réseaux "physiques", les banques n'abordent le réseau "virtuel" qu'avec la plus grande circonspection. Cependant, si quelques-uns résistent encore, il semblerait que tous aient compris l'urgence de répondre à la tendance. Les cas de banques "purs Internet" sont rares. Celui de Covéfi, rebaptisée monabanq, fait un peu figure d'exception dans un monde convaincu du rôle majeur du multicanal (multiplication des canaux de distribution : réseaux traditionnels + net + téléphone + VAD classique, etc). Mais qui dit "multicanal" ne dit pas forcement convergence des réseaux. Ainsi, la véritable démarche demande encore de sérieux efforts d'adaptation en matière de performance de la Gestion de la Relation Client, adaptations que certains établissements sont d'ailleurs prêts à fournir. La demande du client, révèle l'étude Novamétrie, est de plus en plus exigeante : il faut répondre à ses besoins, à ses attentes, à ses aspirations en matière de transparence, de pertinence et de disponibilité… autant de combinaisons qui nécessitent l'association de tous les moyens technologiques dont on peut aujourd'hui disposer (voir la technologie du "call back", actuellement en vogue).

Mais, au-delà d'une évolution du métier de banquier qui conduira certainement nos établissements à reconsidérer l'agence sous un jour différent et à mettre véritablement en avant ses propres points de valeur ajoutée que pourraient être la proximité et le niveau du service, les expériences en cours montrent l'émergence d'une nouvelle utilisation de l'Internet par les grandes institutions financières. Axés, d'une part, sur la dématérialisation des souscriptions (ce qui conduira immanquablement à une évolution de la législation sur ce point) et, d'autre part, sur un développement du nombre et de la sophistication des partenariats avec les sites de vente en ligne (voir le partenariat Sofinco / Fia-net), les vecteurs de développement des services financiers offrent un autre créneau aux établissements : participer au financement des achats sur sites de VAD au travers d'un service supplémentaire qui, en plus du crédit, sécurisera la transaction. Sujet capital, celui de la confiance totale pourrait devenir, au cours des prochaines années, la variable essentielle à la pérennité du circuit de distribution de crédit sur le net.

Réseaux bancaires : surbancarisation, images brouillées, manque de compétence…

Le tableau dessiné par deux récentes études dresse le portrait d'un réseau bancaire français à la limite de "l'inadéquation" en matière de service rendu au client. Pourtant, la remise en cause de la politique de réduction du nombre d'agences aurait du, au contraire, concourir à une amélioration du service : alors que les grands réseaux luttaient il y a peu contre la multiplication des agences, conséquence d'une concentration menée tambour battant, les voilà aujourd'hui contraints d'augmenter la densité du maillage national. Montrée du doigt, l'arrivée des 17.000 agences de la Banque Postale pourrait bien être à l'origine de ce développement pour le moins surprenant. Mais, en matière de stratégie de développement, certaines incohérences marquent les politiques des banques françaises. La première et non des moindres, porte sur l'omniprésence du positionnement marketing qui n'a semble-t-il conduit qu'à uniformiser par le bas et à rendre confuses les images de banques engagées sur les mêmes créneaux de clientèle.

Ainsi, plusieurs différences, qui permettaient jusqu'alors de distinguer les établissements entre eux, ont été (volontairement ?) gommées. La plus flagrante concerne celle qui établissait une frontière entre la "culture client" des établissements mutualistes et celle des banques qui relèvent traditionnellement d'une approche capitaliste : confusion de l'offre, de la segmentation clients, du traitement des demandes. Concernant l'approche client interne, notons également le renforcement des politiques de "relation client" des réseaux (personnalisée, adaptée, intuite personae) s'affrontant avec celle d'une approche multicanal, naturellement plus "mécanique", cette "concurrence des images" venant troubler, au final, l'image globale des établissements auprès des usagers.

Confiants dans le développement des services à la personne, certains réseaux, comme ceux de la Banque Postale ou des Caisses d'Epargne, semblent mieux à même de résoudre ce défaut de différenciation entre établissements bancaires, cependant que la critique des utilisateurs semble également porter sur un aspect plus "gênant" du service offert en agence : la compétence des conseillers. Sympathique, l'accueil en agence est en effet jugé par les Français, selon ces mêmes études, peu informatif. Pire, les agents ne sont pas systématiquement considérés comme des interlocuteurs compétents. Malgré une contraction des effectifs dans les services de back office au cours des dernières années et la mission de service au client qui leur est de plus en plus dévolue, il n'est pas certain que le système bancaire français de vente de détail (retail) réussisse à répondre aux attentes de clients toujours plus exigeants en matière de pertinence de ses interlocuteurs et d'accueil personnalisé, pertinence et accueil que leurs recherches sur Internet ne peuvent parallèlement leur procurer.

Actualité en France

Cette fin d'année a jeté un coup de projecteur sur les établissements financiers captifs des groupes de distribution. Si Covéfi (rebaptisée monabanq) présente une situation originale (seul établissement "pur Internet" filiale d'un groupe de distribution), il semblerait toutefois que la tendance s'inscrive dans un développement des services financiers adossés aux réseaux de distribution. S2P pour Carrefour, Laser pour les Galeries Lafayettes, Cofidis pour Auchan, autant d'acteurs de plus en plus présents sur ce secteur, autant de concurrents pour les réseaux bancaires "classiques" qui ne bénéficient pas, comme eux, des avantages d'un accès au fichier clients, d'une présence sur des points de vente, de plages horaires étendues, d'un développement international adossé à une stratégie de distributeurs. Bien qu'en dehors de monabanq aucune ne semble véritablement intéressée par le développement d'une offre comprenant l'ouverture de compte courant, l'idée qui pourrait bien être en train de se développer serait, malgré les contraintes d'un recours à un personnel plus compétent, de favoriser une offre plus large pouvant aller jusqu'à un service bancaire élargi.

Notons que ce type de perspective, à plus ou moins long terme, renforcerait les difficultés rencontrées par les réseaux traditionnels en raison du durcissement concurrentiel dont beaucoup de ces réseaux s'attendent à souffrir en 2007. L'annonce de résultats en baisse pour le Crédit Agricole ne serait en cela que l'illustration de l'ouverture d'une compétition acharnée dans la conquête de clientèle nouvelle pour laquelle l'arrivée des distributeurs représenterait un bouleversement radical. Parallèlement aux stratégies de conquête, nécessaires à la survie des intervenants déjà en place et talonnés par des challengers aux atouts commerciaux indéniables, un éclairage sur la médiation bancaire entre les utilisateurs et les établissements bancaires nous apprend un ralentissement du nombre de dépôts de dossiers, lequel traduirait plutôt une réelle absence de fébrilité, tant du côté des usagers que de celui des fournisseurs habituels de services. Une expérience originale, conduite conjointement par Cetelem et la CDC traduirait même une certaine confiance dans le développement d'une offre de prêts sociaux, certes garantis par le Fonds de Cohésion Sociale (FCS) géré par la CDC et en partenariat avec l'association Crésus, mais qui n'en n'est pas moins une tentative de s'intéresser aux exclus du système bancaire…

Au titre de cette actualité française, soulignons enfin deux évènements bien différents, mais traduisant à n'en pas douter la recherche très actuelle de nouveaux gisements de produits sur des secteurs jusque là inhabituels : le premier concerne la mise en pratique du crédit hypothécaire rechargeable et du prêt viager automatique à compter du 08 décembre dernier, mise en pratique qui signe "l'ouverture" en garantie du patrimoine des Français dans des opérations de crédits courants. Le second concerne une possible extension aux particuliers de la suppression de l'usure, mesure qui concerne avec succès depuis 4 ans les PME. Bénéfique pour les entreprises, elle est à présent envisagée par la Banque de France comme un moyen d'ouvrir le recours au crédit dans des conditions acceptables de rémunération du risque.

Actualité en Europe et dans le Monde

Que ne donneraient pas les grandes banques internationales pour conquérir d'autres marchés que leur propre marché domestique ? Lancés dans cette véritable course à l'échalote, nos plus beaux fleurons nationaux s'internationalisent, notamment en Europe, avec enthousiasme. Cette conquête se fait-elle en application d'un modèle spécifique ? Est-elle accompagnée d'une une stratégie d'ensemble ? Non, répond Eurogroup, cabinet de conseil spécialisé, qui a publié en novembre un rapport pointant l'absence de synergie interne à chaque établissement concernant une éventuelle utilisation mutualisée de plateformes de services. Chaque nouvelle acquisition s'adapte comme elle le peut et l'ensemble ne bénéficie d'aucune homogénéisation des moyens. L'une des causes de cette "négligence" est certainement la précipitation due au climat d'extrême concurrence entre grandes institutions bancaires internationales, concurrence sur le secteur européen mais aussi menace de la part de grands groupes tels Bank of America ou Citigroup qui demeurent à présent en situation de jeter leur dévolu sur des établissements d'importance comme la BNP Paribas ou la Société Générale… et revoilà le scénario du rapprochement qui refait surface, il n'en fallait pas plus : occupées à restructurer un ensemble hétéroclite, BNP Paribas et Société Générale, nos Mozart de l'acquisition courraient le risque d'être avalées par surprise par des plus gros qu'eux. A moins qu'elles ne se fiancent pour se marier un jour...

Au-delà de cette spéculation aux airs de vieille rengaine rejouant la partition de la compétition européenne, force est de constater l'accroissement de cette concurrence sur le plan mondial : c'est la Société Générale qui se fait souffler par Citigroup sa participation au capital de Guangdong Development Bank, ou de grands groupes internationaux se livrant bataille pour le réseau Ukrainien. Jusqu'à l'Espagne, dont les règles prudentielles du système bancaire risquent de s'assouplir (malgré la menace d'éclatement de la bulle immobilière) afin de libérer les fonds nécessaires au financement d'acquisitions internationales. Les pays émergents offrent de telles perspectives que tout est prétexte aux appétits des Titans bancaires internationaux.

Cependant, dans cette charge des plus gros bataillons mondiaux, un changement de stratégie ne devrait pas nous échapper : alors que nombre de groupes (tel BNP Paribas) se contentent de participations dans les principaux établissements chinois, brésiliens ou russes, une nouvelle stratégie semble voir le jour, l'adoption du statut de banque locale. Ainsi, la Société Générale, accompagnée de plusieurs de ses confrères et non des moindres, aspire-t-elle à ce statut "extranational" pour atteindre ses fins dans la conquête de la banque de détail, notamment chinoise.

Taux / Devises

Connaît-on un pays dans lequel les salaires sont versés dans une devise étrangère ? La Russie ! Pour des raisons historiques, en souvenir du temps où le Rouble n'était pas même convertible, les entreprises paient le plus souvent le salaire de leurs employés en Dollar, sans toutefois l'avoir réévalué depuis que le billet vert a entamé sa chute. Le pouvoir d'achat de nombreux salariés s'est donc effondré de 65% depuis le début de 2003. Cette aspect de la réalité des changes est significative d'une situation du Dollar particulièrement préoccupante : la devise représente désormais un risque réel pour ses détenteurs, particuliers ou banques centrales, qui cherchent donc bien naturellement aujourd'hui à davantage s'en prémunir qu'à le renforcer.

L'Euro fait quant à lui figure de modèle : monnaie unique et stable d'une zone à taux bas (ceux-ci ne devraient pas dépasser en 2007 les 3,50 actuels) et dont les perspectives de croissance sont des plus prometteuses, l'Euro séduit autant comme "véhicule de transaction" que de réserve. Banque du Japon, banques centrales des pays producteurs de pétrole, ont désormais pour la monnaie unique les yeux de Chimène alors que le Dollar souffre du déficit Américain dont les banques centrales, notamment Chinoises et des pays du Golfe, ne cessent de compenser les effets dévastateurs en achetant des bons du Trésor en quantité. C'est que nombre de pays en croissance comme la Chine ont besoin d'exporter vers les Etats-Unis, en attendant une demande intérieure suffisamment importante pour n'avoir plus à soutenir la monnaie de la "première économie du monde"…

Sujet crucial, la dette américaine et ses déficits commerciaux sont bien au cœur des négociations actuelles entre grand argentier chinois et américain, le second demandant au premier, qui ne l'entend pas, de réévaluer sa devise (le Yuan) afin de lui permettre de retrouver la compétitivité d'antan de la sienne (le Dollar)… Une fin de règne bien difficile à dire vrai, dont l'Euro devrait sortir gagnant, dans moins d'une décennie, à condition que l'Europe poursuive sa politique de rigueur monétaire dont on voit qu'elle tient autant à la maîtrise de son inflation qu'à la puissance de sa machine économique.


Achevé de rédiger le 31 janvier 2007


Jean Pellegrino - Rédacteur d'articles, de revues de presse et d'éditoriaux. Son ambition est de faire partager un point de vue synthétique et original sur l'actualité économique en général et du crédit ou du rachat de crédits en particulier, tout en insistant sur les enjeux liés à cette activité.


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